ACAT, 1974-2004 : TRENTE ANS DE LUTTE, TRENTE ANS D'ESPOIR
ENFANTS D'ICI ET D'AILLEURS
Nathalie MATHIEU
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Ils s'appellent Fatoumata, Hassen, Li, William, Ahmadou, Xang, Suzanne... Ils viennent de Mauritanie, de Chine, de Sierra Leone, d'Angola, du Maroc, de Palestine. .. Ils ont entre quatorze et dix-sept ans et sont majoritairement des garçons... Ils arrivent seuls en France dans les ports, gares, aéroports... Ils constituent ce qu'on appelle les " mineurs isolés étrangers ".
Apparu depuis la fin des années 1990, le phénomène dit des " mineurs isolés étrangers " n'a cessé de s'amplifier en France. Même si les statistiques ne sont pas toujours fiables, la police de l'air et des frontières a recensé 847 mineurs étrangers isolés en zone d'attente à l'aéroport de Roissy en 2001 et 1 400 en 2002. La Protection judiciaire de la jeunesse évalue à 2 700 les mineurs isolés connus des parquets et les services départementaux de l'aide sociale à l'enfance ont pris en charge 1 350 de ces enfants.
Il ne faut pas pour autant croire que la France les accueille à bras ouverts. Dès le début, la question de leur statut juridique s'est posée. la loi française sur les étrangers ne fait pas de différence entre l'enfant et l'adulte. Sans papiers officiels, leur entrée sur le territoire est donc considérée comme illégale. S'ils arrivent dans un aéroport, par exemple, ils peuvent être maintenus en zone d'attente jusqu'à vingt jours maximum. Une disposition que beaucoup d'associations ont toujours critiquée.
Dans l'incapacité juridique
Du fait de leur incapacité juridique, ces mineurs ne peuvent contester les décisions qui leur sont notifiées. Par contre, en l'absence d'indications particulières, ces enfants n'ont pas toujours bénéficié des dispositions générales relatives aux mineurs ni même des règles internationales comme celles de la Convention internationale des droits de l'enfant ou la Convention de Genève relative aux réfugiés. Toutefois, en août 1998, la cour d'appel de Paris, statuant contre les décisions des magistrats du TGI de Bobigny, a affirmé que la présentation de mineurs isolés devant le juge est irrégulière. L'accueil sur le sol français de ces enfants s'est donc fait plus systématique. Les juges dans leur ensemble appliquent l'article 375 du code civil qui stipule que les enfants dont la santé, la sécurité ou la moralité est en danger doivent bénéficier de mesures de protection de l'enfance. C'est également en vertu du même article que les mineurs interpellés par la brigade des mineurs sont pris en charge. Il s'agit essentiellement de mineurs roumains à Paris et de jeunes maghrébins à Marseille. Ainsi, les départements, détenteurs de la compétence de protection de l'enfance par l'intermédiaire de leur service de l'aide sociale à l'enfance, se voient confier ces mineurs. Seulement, les structures suivent difficilement. Seuls deux lieux sont spécifiquement adaptés aux mineurs isolés, le CAOMIDA à Boissy-Saint-Léger (94), ouvert en 1999 et géré par France-Terre d'asile, et le LAO de Taverny (95), ouvert en septembre 2002 et géré par la Croix-Rouge, soit moins de 100 places en tout. Les jeunes qui ne peuvent y être accueillis rejoignent le dispositif classique d'accueil des enfants maltraités ou qui connaissent une situation familiale problématique. Ils sont le plus souvent placés dans un foyer d'urgence, une famille d'accueil ou un hôtel social. Il est évident que le travail avec ces jeunes est très différent pour les équipes (éducateurs, psychologues, médecins...). Ils présentent des troubles (cauchemar, perte de confiance dans les adultes, mutisme, solitude extrême, agressivité, anorexie, fugues...) qui sont liés à leur histoire traumatique et au phénomène de l'exil mais pour lesquels les intervenants ne sont pas spécifiquement formés, sans oublier la barrière de la langue. Par ailleurs, ces jeunes ont souvent du mal à se projeter dans l'avenir et dans un projet scolaire ou professionnel tant que leur régularisation administrative n'est pas intervenue. Et elle n'est pas simple à obtenir. Premier obstacle à franchir: l'examen osseux pour vérifier leur âge. Ce test, conçu dans les années trente pour mesurer l'âge d'enfants d'origine européenne, continue à être pratiqué. Quand l'issue est négative pour le mineur, il rejoint la cohorte des demandeurs d'asile adultes... Pour les autres, va commencer une série de procédures judiciaire et administrative, une sorte de contre-la-montre avant leurs dix-huit ans. Devant les difficultés pour obtenir l'asile, la solution utilisée par les services qui ont en charge ces mineurs consiste à demander la nationalité française en vertu de l'article 21-12 du code civil. Cependant, elle peut poser des difficultés au jeune qui peut ne pas souhaiter changer de nationalité par fidélité aux siens disparus ou restés au pays et, de plus, certains pays ne reconnaissent pas la double nationalité (par exemple la Chine, la Roumanie, la RDC, les pays du Maghreb)." Organiser " le retour
" Organiser le retour du mineur (dans son pays d'origine), première démarche qui doit être privilégiée ",tel était l'objectif du rapport que le préfet de I'Île-de-France a présenter début 2004 au secrétaire d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Pour cela, il préconise l'allongement du temps de rétention en zone d'attente à quarante jours pour pouvoir mener à bien les recherches dans le pays de provenance et organiser le retour... Ces propositions viendraient ainsi verrouiller le système qui a déjà fait un bond en avant dans ce sens avec la parution d'un décret (décret n°2003-841 du 2 septembre 2003) permettant le recours à un administrateur ad hoc pour les mineurs retenus en zone d'attente. Officiellement, il s'agit d'assurer aux mineurs isolés étrangers la reconnaissance de leurs droits dans les procédures qui les concernent. Concrètement, le mineur étranger isolé, assisté d'un administrateur ad hoc, peut, depuis le 2 septembre 2003, se voir notifier une décision de justice en toute légalité : un retour au pays par exemple...