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rapports
Introduction
Rapport 10 ans après, les difficultés persistent
A
la suite de discussions menées à partir de l’automne
2001 entre le ministère de l’Intérieur et l’Anafé
, une expérience a été réalisée pendant
le mois de mai 2002 dans le cadre de laquelle des associations habilitées
à accéder en zone d’attente ont pu se rendre de
façon quasi quotidienne dans celle de l’aéroport
Roissy CDG, par la présence de deux visiteurs à chaque
fois. Il convient de rappeler qu’en temps normal, la réglementation
des visites des zones d’attente est extrêmement stricte
: les associations habilitées peuvent se rendre seulement huit
fois par an dans la même zone. Ce document présente les
observations recensées lors de cette « campagne de visites
». Le protocole arrêté entre le ministère
de l’Intérieur et l’Anafé (« document
cadre ») définissant les conditions de l’expérience
et les suites qui ont été arrêtées conjointement
est annexé à ce rapport (annexe 3).
Le contexte
L’année 2000 a marqué le début d’une
nette dégradation des relations entre l’Anafé et
les pouvoirs publics. Le silence indifférent opposé par
les autorités aux signalements de certains graves dysfonctionnements,
la mise en doute régulière des témoignages des
visiteurs ou des propos recueillis par le biais de la permanence téléphonique
de l’Anafé dès lors que des fonctionnaires étaient
mis en cause, les restrictions progressivement introduites à
la liberté de circuler en zone d’attente des visiteurs
agréés ont amené l’association à organiser
des campagnes publiques pour dénoncer ce qui se passait dans
la zone d’attente de Roissy. Deux conférences de presse,
suivies à l’automne 2001 par un colloque rassemblant plus
de 250 participants ont probablement contribué à la reprise
à cette époque d’un dialogue, complètement
interrompu pendant plusieurs mois, entre le ministère de l’Intérieur
et l’Anafé. Un certain nombres de propositions de l’Anafé
ont été discutées au cours des rencontres régulières
organisées à partir de la fin 2001 : mise en place de
réunions trimestrielles – plutôt que d’une
réunion annuelle comme le limite le décret du 2 mai 1995
– entre les ministères concernés, la police aux
frontières (PAF), l’OMI et les associations habilitées
à visiter les zones d’attente – rédaction
d’un document d’information traduit dans plusieurs langues
pour les personnes maintenues, amélioration des conditions d’accès
aux soins ; mais surtout, l’Anafé a rappelé sa revendication
principale, qui est l’accès permanent en zone d’attente
pour les associations . Le contexte préélectoral ne se
prêtant pas à une modification de la réglementation
en la matière et les représentants du ministère
de l’Intérieur restant par ailleurs très dubitatifs
quant à l’intérêt d’une telle modification,
les partenaires se sont mis d’accord sur une expérience
d’un mois. Un document cadre, définissant les conditions
dans lesquelles les associations participantes pourraient, pendant une
période limitée à un mois, bénéficier
d’un accès quotidien à la zone d'attente de Roissy,
a été négocié (voir annexe).
Il a été convenu que les visites s'effectueraient hors
du quota prévu par la réglementation, c’est-à-dire
des huit visites annuelles de chacune des associations habilitées.
Les associations sont par ailleurs conscientes que la situation en zone
d'attente n'est qu'une des conséquences de la politique de maîtrise
des flux migratoires pratiquée par la France comme par ses partenaires
de l'Union européenne. Aujourd'hui, de plus en plus, des mesures
visant à lutter contre les arrivées illégales d'étrangers
sont décidées tant au niveau national que dans le cadre
du rapprochement des politiques d’asile et d’immigration
entre les Etats membres de l'Union européenne, qui impliquent
aussi, de fait, les pays de départ. Les associations s'inquiètent
de ce que certaines de ces dispositions peuvent avoir pour conséquence
d'entraver l'accès aux procédures d'asile d’étrangers
fuyant leur pays et recherchant une protection internationale. Des sanctions
ont été instaurées pour inciter les compagnies
de transport à renforcer les contrôles des documents de
voyage, des " fonctionnaires de liaison " européens
sont chargés de former à la détection des faux
documents ou de participer aux contrôles proprement dits, dans
les pays d’origine et de transit. Aux frontières européennes,
deux opérations RIO, pour Risk Immigration Opération,
ont été menées en 2002, dans 16 puis 24 aéroports
des Etats membres et des pays candidats. Pour RIO II, 4.597 immigrants
irréguliers ont été repérés. Paris
est cité parmi les grands aéroports de destination et
de transit. En France, quatre noms ont été ajoutés
en mars 2002 à la liste des 17 pays pour lesquels les ressortissants
doivent arriver munis d’un VTA ou visa « de transit aéroportuaire
» (Guinée, Inde, Soudan, Syrie) . Les réfugiés
palestiniens avaient été ajoutés fin 1999. Des
VTA instaurés à chaque arrivée d’un nouveau
groupe de demandeurs d’asile. Enfin, les contrôles "
passerelles " sont de plus en plus systématiques en sortie
immédiate de l’avion afin d’identifier le passager,
le pays où il a embarqué et la compagnie sur laquelle
il a voyagé. De même, la scannerisation des documents de
voyage au départ et la transmission de leur copie par les compagnies
aériennes à la police aux frontières, qui permet
ainsi d’identifier avec une plus grande facilité les personnes
qui auraient détruit leur document en cours de vol, semble également
généralisée, à tout le moins pour les vols
en provenance du continent africain.
L’objet de l’expérimentation
Pour l’Anafé, l’objet de cette expérience
était moins de vérifier que la présence régulière
de leurs représentants dans les zones d’attente est une
nécessité – on l’a dit, il s’agit de
l’une de ses principales revendications – que de démontrer
que cette présence ne constitue pas un obstacle au fonctionnement
du service dont a la charge la police aux frontières (PAF) ou,
tout du moins, pas suffisamment pour l’écarter. Certes,
la présence des représentants associatifs a pu, notamment
pendant cette expérimentation, perturber l’activité
quotidienne de certains fonctionnaires. Ceci est principalement dû
au fait que la PAF a cru bon de faire systématiquement accompagner
par des policiers ayant le grade de commandant les visiteurs qui se
rendaient dans les lieux autres que les ZAPI (zones d’attente
pour les personnes en instance) 2 et 3. Cet accompagnement, jugé
indispensable par les autorités, ne l’est pas du point
de vue des associations.
Il s’agit d’ailleurs d’une pratique récente,
puisque les visiteurs ont pu, pendant des années, se rendre seuls
dans les terminaux de l’aérogare de Roissy CDG. De façon
plus générale, les associations estiment que les quelques
inconvénients éventuellement provoqués par leurs
visiteurs en zone d’attente doivent être évalués
au regard de l’aide apportée aux personnes rencontrées
et de la « plus-value » qu’est susceptible d’apporter
un regard extérieur sur un lieu comme la zone d’attente,
notamment en terme de respect des droits de la personne.
Pourquoi l’accès permanent des associations en
zone d’attente est-il indispensable ?
Certaines améliorations ont été introduites au
cours des dernières années dans le dispositif d’accueil
des étrangers non admis à la frontière (ouverture
de ZAPI 3, renforcement du personnel OMI chargé des questions
humanitaires sur place) ; d’autres étaient prévues
pour l’année 2002, comme l’extension de la présence
du service de santé à ZAPI 3. Toutefois, ce dispositif
laisse encore dans une large mesure à désirer. Même
si les conclusions contenues dans les différents rapports de
l’Anafé sur les conditions de maintien des étrangers
dans les zones d’attente ne sont en général pas
partagées par l’administration, la récurrence de
certains dysfonctionnements rapportés non seulement par les associations
, mais aussi par des parlementaires dans le cadre de l’exercice
de leur droit d’accès , ainsi que par des personnels travaillant
à un titre ou à un autre sur le site de l’aérogare
CDG démontre l’importance des lacunes de ce dispositif
et rend légitime la revendication d’un accès permanent
en zone d’attente. Cette conviction a encore été
confortée lors des visites effectuées dans le cadre de
cette campagne.
Quelques
remarques tirées de la campagne de visites
1. Les associations rappellent leur objectif d'assurer une présence
permanente dans la zone d'attente de l'aéroport de Roissy où
ont été maintenus ces dernières années le
plus grand nombre d'étrangers et environ 95% des demandeurs d'asile.
Le rôle qu'elles souhaitent jouer est principalement d'apporter
une assistance juridique et une information sur la procédure
et les droits. L'objectif n'est pas d’inciter par principe les
étrangers à la présentation d’une demande
d’admission sur le territoire au titre de l’asile mais de
chercher à identifier les désirs de chacun et de les conseiller
au mieux en fonction de la procédure et de leurs nécessités
personnelles.
2. La présence chaque jour dans la zone d'attente serait l'occasion
de constater que les associations n'ont pas comme unique objectif la
critique du fonctionnement de ce lieu et du comportement des intervenants
présents mais bien qu'il s'agit d'une action régulière
et exigeante d'assistance aux étrangers maintenus. Cette campagne
de visites a démontré qu'avec des efforts d'organisation,
cette activité pouvait être menée de manière
régulière.
3. L'action des représentants des associations peut être
particulièrement utile lorsque le nombre des étrangers
présents sur l'ensemble de la zone dépasse la capacité
des lieux d'hébergement hôtelier ZAPI 2 et 3 et lorsque
des étrangers et des policiers se retrouvent dans des conditions
difficiles dans des locaux comme la salle de correspondance du sous-sol
du terminal 2A ou ceux du 2F. La présence des associations dans
chacun de ces locaux, y compris les terminaux, permettrait d'expliquer
aux étrangers la complexité de ces lieux et les raisons
de leur séjour possible dans les terminaux, quelle qu’en
soit sa durée, et leur permettre d'accéder à l'information
sur les procédures dans tous les cas de figure.
4. Le fait d'être présents chaque jour permettrait aux
représentants des associations d'acquérir une meilleure
connaissance et de procéder à une appréciation
plus objective de la situation de la zone d'attente, de la multiplicité
et de la diversité des cas, de la complexité des activités
de certains intervenants, en particulier la PAF. L'activité de
ces derniers en serait facilitée si les étrangers, mieux
informés, bénéficiaient également d'une
information complète sur la procédure et le rôle
respectif de chaque intervenant.
5. La présence quotidienne de représentants d'associations
éviterait les présentations déformées de
la réalité, les rumeurs, les fantasmes qui peuvent parfois
être transmis à l'extérieur. Par leurs réseaux,
les associations habilitées peuvent jouer un rôle utile
dans l'information de l'entourage des étrangers, dédramatiser
une situation, transmettre ou aider à la vérification
d'une information en France, dans le pays d'origine ou d'embarquement
de l'étranger ou dans celui qu'il cherche à rejoindre.
6. La connaissance par les associations habilitées de la particularité
de la situation des réfugiés, depuis la fuite de leur
pays jusqu'au cœur de la procédure d'asile sur le territoire,
peut permettre une meilleure acceptation par les intervenants à
la frontière des difficultés rencontrées par ces
personnes et de la spécificité de leur situation.
7. A toutes ces raisons, s'ajoute la nécessité pour la
France de respecter complètement ses engagements internationaux,
tels ceux qui figurent dans la Convention de Genève et d'accueillir
le mieux possible les étrangers à ses frontières.
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